Les NFT et les jeux vidéos. L'association semble logique pour certains, diabolique pour d'autres. Beaucoup de joueurs traditionnels voient l'arrivée des fameux token non fongibles d'un très mauvais œil, accusant cette innovation de n'être qu'une solution purement spéculative. Pourtant, les apports possibles (et encore non imaginables) sont légions et pourraient être porteur d'un vrai souffle nouveau. Mais comment ?
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Pour ces studios, les NFT sont le futur du jeu vidéos
Il s'annonce clairement que si l'on reprend cet article dans 5 ou 10 ans, la situation aura bien évoluée. Mais en 2022, l'intégration des NFT dans les jeux vidéos dit "classiques" déclenche les passions, et parfois une véritable guerre des tranchées.
Epic Games
Certains éditeurs sont clairement pour l'intégration des NFT, et l'annoncent sans honte. Ils estiment que cette technologie permettra de faire évoluer notre manière de jouer, et surtout, de posséder un jeu. C'est notamment le cas d'Epic Games qui apparait régulièrement sur le devant de la scène.
Pour la société, le NFT est quelque chose de positif et elle affiche clairement son envie de faire évoluer les jeux, et les mentalités, notamment avec des jeux complètement intégrés à la blockchain.
Pour ces studios qui voient le NFT d'un bon œil, l'apport est avant tout lié au confort pour le joueur. Il replace celui-ci au cœur de l'action (ou du problème suivant le point de vue), en lui offrant une vraie souveraineté sur son jeu.
A l'heure actuelle, rare sont les jeux qui permettent, d'un opus à l'autre, de récupérer ce que le joueur avait passé des dizaines (souvent centaines) d'heures à construire. Quand la saga évolue, et que le compteur à coté du nom du jeu s'incrémente, les personnages, l'environnement, tout repart de zéro.
Parfois le joueur peut récupérer un peu de l'argent qu'il avait gagné dans le chapitre précédent, mais les possibilités qui lui sont offertes vont rarement plus loin.
Avec les NFT, il est possible de complétement révolutionner ce type de fonctionnement. Si le joueur achète, via la plateforme offerte par l'éditeur, un élément et qu'il peut ensuite le réutiliser dans l'opus suivant, c'est un avantage énorme pour lui.
Aujourd'hui un joueur achète un jeu de base, puis paye des DLC, qui sortent de manière épisodique. Parfois il peut également payer un abonnement, qui lui permet d'accéder à un (ou plusieurs jeux) en fonction de la politique définie par l'éditeur.
Mais si les studios décident d'éteindre les serveurs, ou d'arrêter de soutenir un jeu, pour proposer une suite ou passer complètement à autre chose, le joueur n'a plus rien.
Si l'achat d'un NFT, qui représente un personnage, une tenue, un véhicule, une parcelle ou tout autre chose liée à un type de jeu, lui permet de pouvoir continuer son aventure, sans tout perdre, et dans un autre jeu, c'est un avantage incroyable pour lui.
Rockstar
Si un studio comme Rockstar décidait de permettre au joueur d'acquérir le NFT de son avatar, et ainsi de lui permettre de survivre (et donc de jouer) d'un GTA à l'autre, l'immersion serait cent fois plus impressionnante. Imaginez pouvoir utiliser le même personnage, de GTA à Red Dead Redemption ? Pouvoir choisir si l'on désire avoir un avatar qui est plutôt bon en braquage, ou plutôt axés sur sa compétence en tir ? Et surtout pouvoir faire en sorte que ce personnage suive la vie du joueur.
Des jeux comme World of Warcrat, qui sont basés sur l'évolution d'un personnage dans un univers pendant des années (18 ans en 2022), coutent très cher sur la durée. Un abonnement est requis, et l'achat des extensions (tous les deux ans environ) ajoutent un cout supplémentaire.
Que se passera-t-il lorsque les serveurs s'éteindront ? Toutes ces années passées par les joueurs à faire évoluer un personnage, à vivre des aventures avec lui, seront tout simplement perdues.
Avec un NFT de l'avatar, il serait tout à fait possible d'imaginer le joueur embarquer son personnage préféré dans un hypothétique World of Warcraft 2, Warcraft 4 ou même un jeu complètement différent proposé par la franchise.
Blizzard et Vitalik Buterin
C'est sans le vouloir, que le studio Blizzard et les NFT se retrouvent liés aujourd'hui. Comment ? Par Vitalik Buterin !
Le créateur d'Ethereum, et fervent défenseur de la décentralisation, était autrefois passionné par le célèbre MMORPG. Entre 2007 et 2010, le génie de l'informatique passe des centaines d'heures à faire évoluer son avatar, de la classe des démonistes.
Jusqu'au jour ou Blizzard, par soucis d'équilibrage entre les différentes classes du jeu, décide de modifier un sort qui est justement lié au démoniste. Vitalik, alors âgé d'une quinzaine d'années, claquera la porte sitôt après.
« Blizzard a décidé de supprimer les dommages infligés par le sort "siphon de vie" de mon cher démoniste. J’ai passé la nuit à pleurer, et j’ai réalisé ce jour-là combien les services centralisés étaient porteurs des pires horreurs. J’ai rapidement arrêté de jouer. »
Vitalik Buterin
Blizzard fait partie des studios très à l'écoute des joueurs et de sa communauté, et n'hésite pas à revenir sur une décision, ou faire évoluer une action si elle estime que c'est nécessaire. Mais tous les studios ne fonctionnent pas de cette façon.
Avec la possession de NFT, les joueurs pourraient disposer d'un réel pouvoir concernant les prises de décisions, et pourraient faire entendre leur voix de manière efficace, claire et totalement transparente, grâce au fonctionnement de la blockchain.
Serait-ce pour autant viable pour les studios ? Que se passerait-il si une armée de troll, ou de joueurs mal intentionnés pouvaient bloquer la moindre proposition ou modification que l'éditeur souhaiterait apporter ?
Bien sûr, tout bon fonctionnement découle d'un équilibre, qu'il faudrait alors trouver. Le curseur serait certainement difficile à placer au début, mais avec du temps, le lien entre éditeur et joueur serait encore plus fort qu'aujourd'hui.
Car il faut bien prendre en compte que pour beaucoup de joueurs, l'univers proposé par les studios est un échappatoire. Quand un enfant grandit avec un univers, qu'il évolue avec le jeu et que l'affect est réel, alors il sera prêt à beaucoup de choses pour garder ce lien.
Mario, Sonic, Pokémons, Call of Duty, Warcraft, GTA... toutes ces licences sont nées il y a des dizaines d'années et continuent d'exister, parce que les joueurs y sont attachés. Quoi de mieux que de renforcer cet attachement par un objet que le passionné pourra garder avec lui au long de sa vie, et pourquoi pas transmettre à ses enfants ou ses amis ? Et pourtant, pour d'autres studios, les NFT incarnent le mal absolu.
La nostalgie est quelque chose de très puissant, et ancré au fond de nous. Et souvent, l'évolution, si elle vient entacher cette nostalgie, va nous amener à rejeter en bloc tout ce que l'on nous propose, car elle pourrait ne plus coller à l'image que l'on garde en tête de quelque chose qui nous aura passionné.
Team17
C'est ce rejet qui a forcé le studio Teams17 à faire machine arrière quand à son envie d'intégrer les NFT à son nouveau jeu basé sur la franchise Worms. En effet, l'annonce avait ravi certains fans, mais une levée de bouclier s'est rapidement organisée sur les réseaux sociaux.
Pour les joueurs, et pour le développeur Aggro Crab, les NFT sont complètement incompatibles avec les jeux vidéos. L'argument principal qui est émis dans ces cas là est le fait que NFT ne rime pas avec environnement. Les blockchains polluent, et les NFT participent donc à la destruction de l'environnement.
Malgré le fait qu'il soit très facile de briser cet argumentaire point par point dès lors qu'on connait le fonctionnement de cet écosystème lié au Web3, beaucoup de personnes s'arrêtent là et ne cherchent pas à comprendre plus en profondeur comment tout s'article.
L'écologie et la préservation de l'environnement sont des sujets phares aujourd'hui, et représentent un argument (même faux) qui va à l'encontre de cette motivation est automatiquement mis au pilori sur la place publique. C'est pourquoi Teams17 a préféré se retirer complètement de ce projet. Et beaucoup d'autres studios se retrouvent dans le même cas.
Car proposer des NFT dans les jeux, c'est se mettre en avant de manière très forte. Et qui dit se mettre en avant, dit essuyer des critiques parfois très violentes. Et même si la polémique fait vendre, il est difficile pour un studio d'aller à l'encontre de ses joueurs, même si les râleurs sont minoritaires. Quelqu'un qui accepte une évolution, ou qui s'en fiche, n'en parlera pas. En revanche, quelqu'un qui est contre, ira le crier sur tous les réseaux, et l'effet boule de neige peut faire beaucoup de mal à une réputation.
La pollution et la spéculation, seulement liées aux NFT ?
L'aspect mercantile est aussi très souvent mis en avant, souvent par les studios eux même. Les NFT seraient purement spéculatifs et cela ruinerait l'économie du jeu. Cette phrase nous l'avons tous vu apparaitre à un moment.
Tout comme pour le secteur bancaire, la décentralisation apportée par les NFT et la blockchain pourrait bousculer très fortement l'industrie du jeu, qui n'est pas encore préparée mentalement à ça.
L'industrie évolue pourtant, et des tentatives de consoles permettant de jouer à des jeux avec NFT, et proposant même de faire du minage commencent à voir le jour.
Ont-elles un réel avenir ? Feront-elles trembler Sony ou Microsoft ? Probablement pas. Alors sont-elles destinées à disparaitre aussi vite qu'elles sont nées ? La question se pose, mais quelque soit l'issue, il est certain que leur arrivée fera parler, et certainement réfléchir les fabricants de consoles et les studios de jeux.
Si les jeux avec NFT se font de plus en plus présent, c'est surtout sur nos navigateurs web, et parfois sur nos téléphones. Le jour où nous pourrons acheter des objets inscrits sur la blockchain, dans nos licences préférées est encore certainement loin.
Mais la graine est plantée. Il aura fallu des années à Bitcoin pour persuader de son efficacité, il en faudra encore quelques unes pour que l'adoption de la blockchain, des cryptomonnaies et des NFT ne soit réelle. Mais plus l'arbre met du temps à grandir, plus il sera fort et stable, car ses racines seront profondément ancrées dans le sol.