Fausses idées répandues sur Bitcoin et les cryptomonnaies

Chapitre V Article a

L'éternelle rengaine des clichés concernant les cryptomonnaies - Mois après mois, années après années, les crypto-actifs et leurs applications se développent encore et toujours, sans que rien ni personne ne puisse les arrêter. Néanmoins, les cryptomonnaies et plus particulièrement Bitcoin continuent de subir d'intarissables critiques et d'être vues d'un mauvais oeil.

De nombreux médias et personnages publiques ressassent inlassablement les mêmes argumentaires, très majoritairement fallacieux, afin de discréditer le secteur d'activité dans son ensemble. Il n'est pas franchement étonnant d'observer ce phénomène : les cryptomonnaies vont probablement transformer l'organisation structurelle de notre société, les cartes seront donc (en partie) rebattues. Plongeons ensemble dans le monde fascinant des fausses croyances qui collent à la peau des cryptos, et de Bitcoin en particulier.

Bitcoin n'a aucune utilité concrète

Qu'est-ce que Bitcoin concrètement? En deux mots, il s'agit d'un système de paiement électronique, accessible à tous via internet mais pas que (satellite, réseau téléphonique...), fonctionnant de pair à pair, incensurable, décentralisé, combiné d'une monnaie numérique, dont l'émission est programmée par du code informatique avec une masse monétaire maximale fixée par avance à 21 millions d'unités.

Par convention, Bitcoin renvoie au réseau/protocole dans son ensemble, tandis que bitcoin renvoie à l'unité de compte dudit réseau.

Bitcoin est donc à la fois une monnaie à émission décentralisée prédéterminée et un moyen de paiement mondial. La conservation de cette monnaie ne nécessite aucun tiers, banque notamment, et permet à chacun de devenir entièrement indépendant et de conserver par lui-même son patrimoine financier.

En tout point, la monnaie émanant du protocole Bitcoin surperforme l'ensemble des monnaies fiat, tout particulièrement en terme de robustesse et de longévité. Elle ne permet cependant pas by design l'application de politique monétaire expansionniste de type Keynésienne pouvant très ponctuellement être bénéfique afin de surmonter un évènement majeur. Quoi qu'il en soit, la rigidité du protocole ne lui permettrait pas à l'heure actuelle d'effectuer une mise à l'échelle suffisante pour une utilisation ubiquitaire comme monnaie adoptée par tous.

Dans les pays développés bénéficiant encore d'une relative stabilité politique et monétaire, l'utilité du Bitcoin peut se discuter, dans le sens où la population est très majoritairement bancarisée, avec des systèmes de paiement globalement fiables. Bitcoin tel qu'il fonctionne aujourd'hui ne permettrait pas un usage au quotidien par les populations. Des solutions de seconde couche dont le Lightning Network pourraient résoudre ce problème au fur et à mesure que leur capacité à gérer un grand nombre de transactions s'améliore. Néanmoins, son importante volativité (par rapport aux monnaies fortes) inhérente de facto au processus d'adoption, la nécessité d'une transformation radicale du secteur et d'une redéfinition du rôle des banques centrales et commerciales, ne semblent pas constituer le terreau le plus fertile pour l'adoption du Bitcoin.

Bitcoin, ainsi que les autres crypto-actifs, ont tout de même la capacité d'effectuer des transactions quels que soient l'heure et le jour de la semaine, pour des frais de plus en plus faibles, et quelle que soit la destination. Il y a là un réel avantage concurrentiel vis-à-vis des systèmes de paiement standards. Finis les virements/paiements avec plusieurs jours de délai, et des frais parfois très élevés en cas de virement international.

La résistance à la censure des cryptomonnaies leur permet de contourner toute interdiction de transfert monétaire. Cette propriété peut s'avérer intéressante, nous en avons eu l'illustration notamment avec WikiLeaks, ONG à but non lucratif fondée par Julian Assange en 2006, publiant des documents classifiés provenant de sources anonymes, et ayant survécu financièrement grâce aux dons en cryptomonnaies. D'une manière générale, de nombreux lanceurs d'alerte ont pu mener à bien leur mission (d'intérêt général, rappelons-le) grâce au libre usage des cryptomonnaies.

Également, Bitcoin subissant une croissance constante, il est de loin l'actif le plus performant sur les dix dernières années. Il peut être intéressant pour tout citoyen d'en posséder une fraction, ne serait-ce qu'à visée de diversification d'investissements et de protection contre l'inflation. Rappelons que les pays de la zone euro ainsi que les USA sont actuellement enkystés dans une situation plutôt inquiétante, avec une inflation autour de 10%, difficile à contrôler. Le poids de la dette est tel qu'il est très peu probable que l'inflation soit contenue, les épargnants risquant d'être in fine les plus gros perdants.

Très souvent, Bitcoin est comparé à l'or numérique 2.0. Il partage en effet ses principales caractéristiques de rareté, difficulté d'extraction, mais le surpasse par sa grande liquidité et sa capacité à voyager instantanément dans le monde entier. Bitcoin a donc toutes les armes pour devenir la prochaine réserve de valeur qui supplantera l'or physique.

Bitcoin, l'or numérique 2.0

Changeons de perspective et regardons le cas des pays les moins développés, et les moins stables. Bitcoin et les cryptomonnaies représentent pour eux un espoir inespéré et le besoin est tout simplement criant. Illustrons cette réalité - parallèle pour les personnes non concernées - avec quelques exemples très concrets :

  • Liban : hyperinflation persistante depuis 2019, valeur de la monnaie divisée par plus de 26 en 25 ans, la population utilise de plus en plus Bitcoin et les stablecoins afin de se couvrir d'une inflation intenable, avec une véritable économie parallèle malgré l'interdiction des cryptomonnaies comme moyen de paiement par le gouvernement.
  • Salvador : premier pays ayant donné cours légal au Bitcoin, il a pour monnaie nationale le dollar américain depuis 2001. Particulièrement pauvre, le Salvador possède un taux de bancarisation très faible tournant autour de 30%. L'adoption du Bitcoin permet à une vaste majorité de la population d'accéder à l'épargne et aux échanges monétaires à distance
  • Iran : les jeunes femmes non voilées se sont vues fermer leur compte bancaire, les excluant du tissu économique. Les cryptomonnaies y sont déjà utilisées afin de contourner cette restriction de liberté imposée par un régime autoritaire.
  • De nombreux pays d'Afrique tendent vers l'usage à grande échelle de cryptomonnaies, la République centrafricaine ayant déjà franchi le pas de donner cours légal au Bitcoin. Le Zimbabwe en proie à une hyperinflation absolument majeure dans les années 2000, a dû changer sa monnaie nationale pour celle d'autres pays (rand sud-africain, dollar américain) entrainant une déstabilisation majeure. L'usage d'une cryptomonnaie, possiblement Bitcoin, comme monnaie légale y est étudié de très près.

Il semble ainsi évident que l'adoption de masse des cryptomonnaies s'effectuera par nécessité et en premier lieu dans les pays en ayant particulièrement besoin. Par ailleurs, le concept de volatilité se réfère toujours aux variations d'un actif par rapport à un autre : le volatilité du Bitcoin face à l'euro n'est en rien comparable à celle du Bitcoin contre une monnaie dont la valeur fond comme neige au soleil. Ainsi, le Bitcoin s'apprécie continuellement dans le temps face aux monnaies subissant une intense dévaluation. Tout est volatile, et seul votre référentiel ne l'est en apparence pas.

Notons que la Human Rights Foundation qualifiait récemment Bitcoin d’« échappatoire à la tyrannie », et rappelle dans son rapport annuel de 2020 que plus de la moitié de la population mondiale vivait sous un régime autoritaire. Bitcoin est vivant, et va pouvoir fournir ses services à quiconque aura besoin de lui.

Bitcoin pollue énormément et se développe en opposition de phase avec la transition énergétique

Critique très fréquente notamment de la part des écologistes peu renseignés sur le sujet, Bitcoin et les cryptomonnaies seraient un problème majeur pour l'équilibre écologique de la planète, engendrant une consommation énergétique déraisonnée.

Le gros problème concernant ce postulat est qu'à aucun moment n'est mise en perspective la consommation énergétique du système bancaire traditionnel et des réseaux de paiements que les cryptomonnaies sont vouées, tôt ou tard, à remplacer. Sans oublier celle de l'extraction de l'or qui pourrait aussi en partie sauter. En conclusion, vous vous apercevez que Bitcoin consomme moins d'énergie que les secteurs d'activité qu'il remplacera, alors même qu'il n'en est qu'à ses débuts et que sa constitution même incite les mineurs à se déplacer vers de l'énergie fatale ou renouvelable. Il est cependant difficile d'obtenir des chiffres précis concernant la consommation du secteur bancaire.

Une étude très rigoureuse menée par Michel Khazzaka et publiée en avril 2022 a permis d'établir la consommation énergétique du système monétaire et de paiements dans son ensemble, incluant l'énergie consommée pour :

  • Renouvellement des pièces et des billets en circulation
  • Installation et entretien des guichets automatiques
  • Transport physique de pièces, billets de banques et de cartes de crédit
  • Paiements en espèce (représentant plus de 50% de la totalité des paiements dans les pays de l'OCDE)
  • Paiements par carte
  • Fonctionnement des bureaux de banque
  • Trajets domicile-travail des employés du secteur bancaire
  • Fonctionnement des centres de données des banques
  • Systèmes inter-bancaires

La somme de ces différents facteurs attribue au système classique de paiements une consommation de 4981 TWh/an. La consommation énergétique de Bitcoin est quant à elle évaluée à 88.95 TWh/an, soit environ 56 fois moins d'énergie que le système monétaire et de paiement électronique classique.

À titre d’exemple, la plateforme de streaming Youtube consomme à elle seule environ 250 TWh/an, le géant Netflix environ 100 TWh/an.

Bitcoin constitue très certainement une chance pour la transition énergétique, permettant de stimuler l'innovation en matière d'extraction énergétique. En effet, les mineurs étant incités à obtenir une énergie la moins chère possible, ils sont particulièrement mobiles. De nombreuses start-up se lancent donc dans l'exploitation d'énergie verte à des endroits stratégiques de la planète. L'élément tout à fait fantastique et novateur est le fait que les mineurs utilisent l'énergie directement là où ils l'ont produite, étant donné qu'il n'existe aucune contrainte géographique à l'activité de minage. Seule une connexion interne est nécessaire.

De nombreux innovations voient actuellement le jour, avec par exemple des systèmes de chauffages fonctionnant grâce à la chaleur dégagée par les ASICs minant du Bitcoin.

Par ailleurs, les sources d'énergies renouvelables étant intermittentes, elles sont donc sujettes à des périodes transitoires de surproduction qu'il peut être intéressant d'exploiter grâce à l'activité très dynamique qu'est le minage.

Bitcoin, de part sa rareté intrinsèque et sa tendance déflationniste sur le long terme, est conçu de sorte à s'apprécier progressivement au fil du temps. Il est possible que cette caractéristique modifie à elle seule les comportements individuels dans notre société, permettant de rompre avec la spirale infernale de l'illusion d'une croissance éternelle financée par de l'argent magique et des resources infinies.

Bitcoin,
Bitcoin, trop souvent perçu comme contributeur majeur au bilan carbone, alors qu'il constitue probablement une partie de la solution

Les cryptomonnaies financent le terrorisme et sont l'outil idéal pour le blanchiment d'argent

Message véhiculant la peur par excellence, assez récurrent dans la presse, Bitcoin et les «cryptos» ne serviraient qu'à permettre aux criminels en tout genre de réaliser leurs activités illicites. Notons qu'internet subissait exactement les mêmes critiques dans le début des années 2000. Bitcoin serait également dangereux car anonyme, permettant à n'importe qui de masquer ses traces sur le réseau.

Toutes ces assertions sont en réalité fausses, et il n'est pas franchement compliqué de le démontrer.

En 2021, seulement 0,15% des transactions en cryptomonnaies étaient liées à des activités illicites, ce qui est bien inférieur à la proportion de transactions illicites par monnaie fiat, qu'elle soit scripturale ou fiduciaire. Bien évidemment, ce taux de transactions illicites était plus élevé il y a quelques années, lorsque les cryptomonnaies étaient totalement nouvelles et qu'aucun régulateur ne s'y intéressait. Les cryptomonnaies ne sont qu'un outil, et, permettant de shunter le système financier traditionnel, il est logique qu'elles soient particulièrement utilisées par des personnes aux motifs douteux avant qu'une forme de régulation ne se mette en place.

Concernant le caractère soi disant anonyme des cryptomonnaies, bien que certaines le soient effectivement du fait d'un protocole spécifiquement orienté vers le respect de la vie privée, la grande majorité des cryptomonnaies sont en fait pseudonymes, et entièrement tracées de façon définitive sur un registre publique distribué. Dès lors que vous faites le lien entre une adresse publique de cryptomonnaie et une identité, vous êtes en mesure de retracer l'entièreté des transactions réalisées par cette personne. Il existe cependant une multitude de solutions permettant de conserver une certaine confidentialité on-chain, avec notamment les preuves de type ZK-SNARK et Validium en plein développement.

Les monnaies numériques de Banque Centrale représentent le Saint Graal de la révolution technologique des cryptomonnaies

Sans doute l'une des plus grandes menaces actuelles concernant la liberté individuelle, les projets de monnaies numériques de Banque Centrale (MNBC) fleurissent dans les 4 coins du monde. Arguant la nécessité d'une régulation accrue des paiements utilisant les cryptomonnaies « afin de protéger les utilisateurs », les différentes Banques Centrales ont sauté sur l'occasion pour proposer leur propre monnaie de Banque Centrale, qui n'aura absolument rien en commun avec la philosophie véhiculée par les cryptomonnaies : fonctionnement centralisé, émission dirigée par les Banques Centrales, traçabilité totale des utilisateurs, censure.

La proposition de valeur des MNBC est donc assez obscure : utiliser la technologie Blockchain permettant de faire fonctionner un réseau de façon décentralisée et sans tiers de confiance, afin de créé un livre de compte centralisé modifiable à souhait par une poignée d'élus.

Par ailleurs, le projet des Banques Centrales demeure généralement flou, pouvant correspondre à :

  • une monnaie numérique disponible pour les particuliers, utilisable dans la vie de tous les jours, émise alors par la Banque Centrale et remettant profondément en question le rôle des banques privées
  • une monnaie pour les banques centrales et banques privées, à laquelle les individus n'ont pas accès

Il est également intéressant d'observer que les pays les plus avancés dans leur projet de MNBC sont souvent les plus autoritaires. Cette monnaie est à l'évidence une aubaine pour tout gouvernement qui voudrait assoir son autorité et renforcer le contrôle de la population.

MNBC et cryptomonnaies : Changpeng Zhao joue les médiateurs.
Les monnaies numériques de Banque Centrale : surveillance généralisée et traçage de tous les flux financiers

Les NFT ne sont qu'une mode et ne servent à rien

Développée dès 2012 dans le projet des Colored Coins sur Bitcoin, l'idée de token non fongible (NFT - non-fungible token) a émergé très tôt dans l'histoire des cryptomonnaies, avant même qu'Ethereum ne soit pensé.

Il s'agit effectivement d'une propriété fondamentalement nouvelle : la rareté et l'unicité numériques. Depuis la création des premiers ordinateurs, toute donnée informatique n'est que copie, rendant la propriétaire numérique impossible.

Le développement d'Ethereum et la possibilité de réaliser simplement des smart-contracts ont accéléré le développement de ces jetons uniques dans leur genre. Ethereum a notamment précisé une norme appelée ERC-721 (ethereum requests for comments 721), permettant d'uniformiser l'ensemble des NFT sur Ethereum en leur attribuant un uint256 (entier positif compris entre 0 et 2^256 - 1) appelé tokenID, leur donnant un caractère unique. Plus récemment, la norme ERC-1155 a vu le jour, permettant via la détention d'un token, de pouvoir stocker des tokens ERC-20, ERC-721 ou les deux à la fois sur un même contrat, offrant une utilisation plus efficace des ressources.

Comme vous pouvez le voir, la technologie des NFT a tout juste une dizaine d'années et est en pleine effervescence. Les applications sont très nombreuses, du certificat de propriété ou d'authenticité numérique à l'identité numérique décentralisée, en passant par l'art numérique ou encore le gaming qui fera un bon en avant majeur en termes d'immersion.

Il est trop tard pour investir dans les cryptomonnaies

Nous sommes à l'évidence à l'aube d'un changement majeur de paradigme en termes d'échanges, de communication, de consommation, d'organisation. Bitcoin et toutes les autres cryptomonnaies sont encore des enfants en pleine croissance. La puissance apportée par la découverte de méthodes de consensus trustless décentralisées est évidente mais il faudra des années pour que les modèles évoluent à grande échelle.

Le potentiel de croissance des principales blockchains décentralisées est absolument énorme, mais les risques associés sont bien présents, notamment pour les blockchains se voulant particulièrement innovantes. Faites vos propres recherches et décidez en connaissance de cause si vous souhaitez ou non vous exposer aux actifs numériques.

Les poncifs visant Bitcoin et les autres cryptomonnaies ont toujours fait partie du décor de l'écosystème crypto. Quand on saisit le pouvoir disrupteur que peut apporter cette technologie, il n'y a finalement rien de surprenant à ce que de nombreux secteurs d'activité se sentent menacés et essayent de noircir l'image des cryptomonnaies. Associé au fait que, par nature, l'être humain et les structures qu'il a construit sont peu enclins à modifier leur mode de fonctionnement, nous aboutissons à la situation que nous connaissons aujourd'hui, avec des débats publiques aberrants et des décisions réglementaires peu adaptées. L'adoption se poursuivant, il est important que la population soit informée d'une façon claire et loyale, afin de décider d'elle-même s'il est préférable d'utiliser un euro numérique plutôt que Bitcoin pour le bien commun.