NFT : projet de loi JONUM, les jeux Web3 en danger ?
Le gaming web3 est-il mort-vivant ? Nous en parlions brièvement dans cet article, le projet de loi visant à définir le régime « JONUM » vient d’être adopté à l’Assemblée Nationale.
Si vous suivez régulièrement les actualités qui entourent notre secteur, vous n’aurez pas échappé au bruit que ce texte a généré.
Mais d’où vient-il et quelles en seront réellement les conséquences ?
Les origines de cette nouvelle loi encadrant les jeux-vidéo Web3
Vous le savez, les NFT (non-fongible tokens) avaient été volontairement écartés des précédentes évolutions législatives visant les cryptos. Ils étaient d’ailleurs les grands absents du règlement européen MICA.
Mais, voici nos jetons non fongibles rattrapés par la patrouille et par le projet de loi visant à Sécuriser et Réguler l’Espace Numérique (SREN).
Ce projet de loi a été adopté très majoritairement par les députés et contient un article 15 que la communauté a affectueusement baptisé « amendement Sorare » en référence à la plateforme qui succède aux albums Panini.
Avant d’entrer plus en détail dans ce qu’est effectivement le régime JONUM issu de cet article 15, il est important de rappeler que la loi SREN ne vise pas que les NFT, loin de là.
SREN, la loi qui sonne la S(i)REN d’alarme pour l’anonymat ?
Au prétexte (louable au demeurant) de venir lutter contre les contenus pédopornographiques et l’accès jugé trop aisé par les mineurs à la pornographie, le texte impose une censure administrative des sites qui ne répondent pas aux exigences de vérifications de l’âge de leurs utilisateurs.
Une censure a priori que beaucoup estiment dangereuse pour les libertés individuelles.
Ce même projet de loi « SREN » met en avant une censure incluse directement dans les navigateurs Internet afin de bloquer l’accès à des sites identifiés comme étant des arnaques.
Là encore, où s’arrête la protection du citoyen et où commence la mise sous silence de propos ou de paroles dissidentes ?
Vous l’aurez compris, l’adoption de ce texte de loi s’inscrit dans un climat qui souffle le froid sur l’anonymat et la liberté d’expression. Un climat de confusion et d’amalgames qui apparaît dangereux à ceux à qui importe le respect de la vie-privée et que nous dénoncions d’ailleurs dans cet article dédié.
Détaillons le régime JONUM dédié aux jeux WEB3
Que prévoit donc ce fameux article 15 ?
Il commence tout d’abord par définir ce que sont les « Jeux à objets numériques monétisables » (JONUM)
Constituent des objets numériques monétisables (…), à l’exclusion des actifs numériques relevant du 2° de l’article 54-10-1 du code monétaire et financier, les éléments de jeu qui confèrent aux seuls joueurs un ou plusieurs droits associés au jeu, et qui sont susceptibles d’être cédés, directement ou indirectement, à titre onéreux à des tiers.
Projet de loi SREN – Article 15 régime JONUM
L’objectif du texte de loi est plutôt simple : éviter que les jeux « Web3 » ne se transforment en casino à ciel ouvert et protéger les investisseurs, surtout les utilisateurs mineurs.
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L’objectif ? Éviter le phénomène « lootboxes » sur les jeux Web3
Si vous passez un peu de temps sur quelques jeux en ligne connus depuis 2015, l’essor des « lootboxes » n’a pas pu vous échapper. Ces boites de contenu que les joueurs peuvent acheter avec de la monnaie du jeu ou de l’argent réel et qui permettent soit d’obtenir des objets cosmétiques plus ou moins rares, soit carrément d’améliorer votre personnage et d’obtenir un réel avantage sur vos adversaires.
Ayant compris la manne financière que pouvaient représenter ces appâts à joueurs compulsifs, les développeurs ont axé l’économie de leurs jeux autour de ces mécanismes.
Mais c’était sans compter l’intervention du législateur qui est allé jusqu’à interdire (pour la Belgique et les Pays-Bas) la commercialisation de ces lootboxes qu’ils estiment dangereuses, car favorisant l’addiction aux jeux d’argent par l’utilisation de mécaniques trompeuses en affichant de fausses probabilités de gain.
Pour les non-joueurs qui nous lisent, sachez que le concept de « whale » n’est pas un terme réservé aux cryptoactifs. Certains joueurs fortunés (ou addicts) n’hésitent pas à jeter dans ces boites de contenu purement virtuelles des milliers, voire des dizaines de milliers de dollars par an.
Rappelons également que l’avènement de l’argent virtuel dans certains jeux en ligne (World of Warcraft ou Second Life par exemples) a été accompagné par l’essor de pratiques douteuses, par l’exploitation d’humains bien réels.
Pour ceux d’entre vous qui ne seraient pas informés de ce phénomène, voici un court extrait issu d’une longue enquête publiée sur le New York Times en 2017 sur ce qu’il était convenu d’appeler les « farmers chinois ».
Douze heures par nuit, sept nuits sur sept et avec seulement deux ou trois nuits de repos par mois, voici ce que Li fait – pour pouvoir vivre. En cette nuit d’été 2006, le jeu sur son écran était, comme toujours, World of Warcraft. Un jeu en ligne dans lequel les joueurs, sous l’apparence d’avatars qu’ils ont créés – des magiciens elfes de la nuit, des guerriers orc et autres personnages Tolkienistes – font leur chemin à travers le mythique royaume d’Azeroth, gagnent des points pour chaque monstre tué et vont, en plusieurs mois, de la plus petite force de combat (niveau 1) à la plus grande (70). Plus de huit millions de personnes dans le monde jouent à World of Warcraft – soit approximativement une personne sur mille sur la planète – et peu importe l’heure à laquelle Li y est connecté, des milliers de joueurs le sont aussi.
Ils partagent un monde vaste et virtuel avec lui, se rendent dans des capitales pour y faire du commerce avec leur butin ou vont de temps en temps dans le coin boisé et préféré de Li pour y chercher des ennemis à tuer et des pièces à récolter. Chaque joueur à World of Warcraft a besoin de cet argent et plus particulièrement pour une raison : pouvoir payer de l’équipement virtuel pour combattre des monstres et ainsi gagner des points pour atteindre le niveau suivant. Pour les joueurs, il n’y a que deux moyens d’obtenir autant d’argent que le jeu le demande : passer des heures à le collecter ou payer quelqu’un avec de l’argent bien réel pour qu’il le fasse à leur place.
The New York Times – The Life of the Chinese Gold Farmer
La différence avec l’univers des jeux Web3 ? À aucun moment les joueurs ne deviennent réellement propriétaires de ces assets virtuels pourtant chèrement payés.
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L’amendement SORARE accepté, quelles conséquences ?
Comment se traduira l’adoption de ce nouveau régime légal dans notre utilisation des services de jeux en ligne ? Premièrement, la loi exigera désormais une vérification de l’âge des joueurs afin de s’assurer que ces derniers ne soient pas mineurs.
Impossible à dire si cette vérification passera par un simple clic des joueurs qui attesteront sur l’honneur avoir l’âge requis ou si ce type de mesure sera considéré comme insuffisante. Il est d’ailleurs probable que la loi impose un contrôle KYC plus strict qu’une simple case à cocher puisque le retrait des gains devra donner lieu à un nouveau contrôle d’identité et de majorité.
Or, comme cette exigence est issue des dispositions règlementaires désormais bien connues LCB-FT (lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme), il est peu probable que les régulateurs se contentent d’une procédure de vérification d’identité dégradée.
Pas de publicité à destination des mineurs
Toujours dans le but de protéger les mineurs de la tentation de dépenser leur argent de poche ou leurs premières économies dans des objets virtuels, les jeux utilisant des objets numériques monétisables ne pourront pas leur adresser de publicité.
Pour le dire autrement, les canaux de diffusion de ces publicités devront nécessairement proposer une option visant à exclure les comptes des utilisateurs mineurs de la liste de diffusion de ces publicités.
Quid de la fiscalité liée à ces jeux ?
Vous ne le savez peut-être pas, et personne ne vous en voudra pour ça, mais le secteur des casinos et des jeux d’argent est surtaxé. Même lorsque vous jouez au LOTO, l‘État prélève un droit de timbre de près de 5 %. Des taxes spécifiques visent aussi les machines à sous et les gains importants (supérieurs à 1500 €) réalisés dans les casinos.
Si certains souhaitaient voir ces mêmes taxes appliquées aux jeux Web3, il n’en sera rien pour le moment. Ce qui ne manque pas de hérisser le poil des acteurs traditionnels qui dénoncent une concurrence déloyale.
Nous suivrons attentivement les derniers développements de ce texte et vous tiendrons informés des modifications (si modifications il y a) qui toucheront sa version définitive. La loi devant encore être discutée en commission mixte paritaire avant d’être définitivement adoptée. En attendant, si les dossiers en lien avec la justice vous intéressent, pourquoi ne pas replonger dans la vie de Ross Ulbricht, le créateur du marché de la drogue Silkroad sur le Darknet ?
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