Quand la France vend des bitcoins qui ne lui appartiennent pas

La France n’a pas froid aux yeux – Dans quelques heures, une des salles des ventes du réseau Drouot accueillera une vente aux enchères historique de plus de 600 bitcoins. Ce pactole de 27 millions d’euros laisse toutefois une question en suspens : l’Etat a-t-il réellement le droit de vendre ces bitcoins ?

Bitcoin aux enchères

C’est le site Cyberguerre qui le rapporte en premier : les bitcoins proposés aux enchères le 17 mars 2020 par la prestigieuse maison Kapandji Morhange pourraient sentir le souffre, et pas seulement parce que conformément à la légende, ils seraient supposés avoir traîné sur le dark web.

D’une part, le site révèle que, selon ses sources, la plus grande part des BTC proposés à la vente viendrait du rocambolesque piratage de la plateforme londonienne Gatehub, opération qui avait, en juin 2019, abouti au détournement de 23 millions de XRP (environ 10 millions de dollars au moment des faits).

Pour le trait britannique que fût le braquage (à l’anglaise of course), la justice française s’est montré particulièrement active dans ce dossier, en raison notamment de la participation supposée de certains de nos compatriotes dans l’opération.

C’est ainsi que Gabriel B., pris de remords peut-être, s’est épanché sur un forum spécialisé et a fini par être identifié et interpellé aux alentours de Tarbes. Quelques-uns des supposés co-auteurs du hack étaient également interpellés dans la foulée sur le territoire national.

Après ce détroussage en mode bandit de grand chemin, il se trouve que les intéressés ont rapidement converti leurs XRP en BTC (ainsi qu’en voiture de sport, conformément aux impératifs de discrétion indispensables après avoir braqué 10 millions à une banque). Des bitcoins, finalement saisis dans le cadre de l’instruction judiciaire qui se déroule depuis et dont vous aurez donc l’opportunité de tenter de décrocher quelques fragments à l’occasion de la vente de demain.

Quel statut pour les BTC aux enchères ?

Maintenant qu’on connaît un peu mieux le CV des bitcoins proposés aux enchères, l’article de Cyberguerre aborde un second sujet, des plus intrigants.

En effet, l’instruction du dossier Gatehub est loin d’être close, et conformément au principe bien connu, même en détention ou mis en examen, ses possibles auteurs demeurent présumés innocents.

Autrement dit, leur relaxe est de l’ordre du possible et, dans ce cas, les charges retenues contre eux seront annulées, de même que les biens saisis restitués. Par conséquent, pourquoi diable l’Etat s’arroge-t-il le droit de prématurément proposer aux enchères des bitcoins qu’il pourrait parfaitement se retrouver un jour à devoir restituer ?

La réponse est toute simple et nous est exposée par la voix de l’avocat Renaud Alméras :

« Après une saisie, le juge des libertés et de la détention ou le juge d’instruction peut décider de la vente dans la mesure où la valeur des biens pourrait diminuer. »

Autrement dit, l’Etat (via le Ministère de la Justice en l’occurrence) estime que les BTC saisis pourraient perdre de la valeur et s’autorise donc à les vendre par précaution.

Si vous aviez un doute, c’est donc officiel : l’Etat français n’est pas d’un tempérament « holder ».

En dépit de ce qui s’apparente à une vente forcée, le produit des enchères sera placé sur un compte sous séquestre, et les sommes restituées aux propriétaires initiaux des bitcoins dans l’hypothèse d’une relaxe. En cas de condamnation définitive, ce pactole pourra également être mobilisé pour indemniser d’éventuelles victimes et parties civiles déclarées.

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