Débat : avons nous besoin de la B Foundation ?
Récemment, un nouveau groupe à vu le jour: la B Foundation. Composé de grands noms parmi les maximalistes – par exemple Jameson Lopp pour n’en citer qu’un – il a pour mission de promouvoir au mieux l’adoption de Bitcoin et du Lightning Network. Mais cette fondation est-elle vraiment utile ?
Remarque : « The B Foundation » a été lancée dans le but de promouvoir l’utilisation et l’adoption de Bitcoin ainsi que du Lightning Network. L’équipe se compose de personnalités bien connues de la cryptosphère, dans le désordre, on y retrouve Jameson Lopp, Elizabeth Stark (Lightning Labs), Whale Panda, Giacomo Zucco, Adam Back (Hashcash & Blockstream), Alex Petrov (Bitfury), Pavol Rusnak…
Pour aller plus loin, nous vous renvoyons vers cet article : B Foundation : une nouvelle fondation pour Bitcoin ? |
The B Foundation
Le débat avait été lancé il y a quelques jours par Kevin Loaec. Alors que la twittosphère s’en donnait à cœur joie et créait divers comptes parodiques, un « vrai » débat débutait sur Reddit. Les deux intervenants qui ont soulevés le plus de points pertinents sont Kevin Loaec, membre de Chainsmith, et Giacomo Zucco, fondateur du BHB Network, et membre de la B Foundation. Les deux sont des maximalistes, ce qui est déjà un bon point pour limiter les dissensions. Cela dit, on connaît tous le tempérament un rien sanguin affiché par la plupart des bitcoiners (ce qui n’est que pour le mieux !), on aurait pu donc s’attendre à un match un peu sanglant.
Et pourtant, le ton, pour une fois, est resté très mesuré entre les deux intervenants, comme le montrent leurs diverses interactions sur Twitter.
As past speaker/sponsor, I would be outraged if you did. I've seen nothing but good faith, passion to defend bitcoin, reasonable concerns (even when I disagree with them) and good trolling/shitposting skills from you. All things I appreciate.
— Giacomo Paranoid Cryptoanarchist Zucco⚡️🌋🧀💀🧻 (@giacomozucco) September 26, 2018
- « J’espère que les individus impliqués dans The B ne m’en voudront pas. Pour votre information, je suis près à me retirer de Breaking Bitcoin si c’est requis par mes sponsors, par les conférenciers ou par les autres organisateurs. Je ne vais pas tenir ma conduite juste pour sauver ma réputation, par contre. »
- « En tant qu’ancien speaker/sponsor, je serais choqué si tu l’avais fait. Je n’ai rien vu d’autre que de la bonne foi, une passion à défendre Bitcoin, des inquiétudes raisonnables (même si je ne suis pas d’accord) et du bon trolling/shitpost de ta part. Que des choses que j’apprécie. »
Si vous êtes un habitué de la crypto-sphère, ce genre d’échanges peuvent vous redonner un peu d’espoir. En effet, on est souvent habitué à des affrontements plus spectaculaires (on se souvient par exemple du fameux Buterin vs Wright de la Deconomy).
Mais, malgré le respect apparent existant entre les deux partis, ce n’est pas pour autant qu’ils sont d’accord. C’est d’ailleurs ce qui as mené Kevin Loaec à publier ce long post sur Reddit, intitulé « The B Foundation. Ce que certains d’entre nous n’apprécions pas / pourquoi nous nous battons. » Dans ce post, Loaec liste les critiques adressées à cette nouvelle fondation (The B). Giacomo Zucco a donc répondu, dans une intervention toute aussi détaillée, point par point, à Loaec.
Kevin Loaec vs Giacomo Zucco
La position de Kevin Loaec
Vous vous êtes peut-être aperçus de la guerre qui se déroule sur Twitter à propos de « The B », aka la Bitcoin Foundation 2.0 aka « nous ne sommes pas une Bitcoin Foundation ! ». J’aimerai clarifier certaines des critiques que nous adressons :
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Le nom
La B Foundation, plus particulièrement avec le logo de Bitcoin en tant que « B », était définitivement de mauvais goût. Même si il s’agissait d’une blague, ou d’un troll, il n’y a pas moyen que cela ait été accepté. Ce n’est pas la critique principale, mais c’en est une évidente.
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L’équipe
En gros, The B réunit les meilleures personnalités de la sphère crypto-Twitter du moment, mais surtout des gens qui sont de très gros poids lourds dans l’industrie elle-même. Adam Back, Slush, Giacomo, Starkness, Jameson Lopp… Un groupe d’individus incroyables et très respectés. Cette critique n’est pas dirigée vers les individus, mais vers le groupe lui-même. Pourquoi y-a-t’il un tel besoin « d’autorité » (liée au respect, pas au contrôle) ? Est-ce que The B a besoin de s’affirmer en tant que LA Fondation ?
C’est la critique principale, les médias et les néophytes vont percevoir ce groupe comme les représentants de Bitcoin. Ou en tout cas – au minimum – en tant que représentants de l’industrie et de l’écosystème. Mais les gens changent, les intérêts et les idéologies changent aussi. Vous vous souvenez de Gavin ? Vous vous souvenez de Bitpay, ou de Roger Ver ?
Ils ont tous été « le visage » de Bitcoin à un moment. Pourquoi voudrions-nous créer une image encore plus massive ? Un autre rappel serait la Bitcoin Foundation, qui a été lancée avec de bonnes intentions, et des personnalités publiques également, et a fini par être une arnaque. Vous savez qu’ils continuent de recevoir des donations de la part d’entreprises majeures qui croient financer le développement de Bitcoin ?
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« Marketing et Relations Publiques »
Ce point est très controversé, et nous ramène à la nature même de Bitcoin. Devrions nous, maintenant, en faire un produit grand public (ce qui semble être le but de The B) ? Si oui, The B ainsi que la communauté seront à nouveau sous pression concernant la scalabilité, la vitesse, les coûts… Et, si nous nous précipitons, tout aura un prix à payer au niveau de la résistance à la censure.
Maintenant, imaginez que cette entité de Marketing et Relations Publiques soit également responsable du financement des développeurs… Qu’est ce qui pourrait mal tourner ? Oh, attendez, c’est exactement ça The B.
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En avons-nous besoin ?
De nombreuses organisations financent des développeurs, et nous devrions tous y participer. Blockstream, BHB, Lightning Labs, Trezor (…) soutiennent tous des développeurs. L’objectif avoué de The B est d’alléger le fardeau administratif nécessaire pour financer les devs. C’est totalement logique, toute entité centrale sera bien plus efficace que sa contrepartie décentralisée. Le problème sera de s’en débarrasser quand le moment sera venu, et jusque là, nous n’avons pas réussi à nous débarrasser des précédentes.
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Qu’est ce que les critiques veulent, alors ?
Et bien en premier lieu, il ne devrait pas y avoir d’entité forte politiquement qui représente (via du marketing ou peu importe) « Bitcoin ». C’est tout à fait correct et encouragé de créer des alliances et des équipes, mais celles-ci ne doivent pas engendrer un héritage qui peut devenir une menace (comme Bitcoin.com, ou la Bitcoin Foundation etc.).
Un bon exemple de ceci est Bitcoin Core : ce n’est pas une entité légale, elle est en perpétuelle évolution et est maintenue saine en étant attaquée et surveillée tout le temps. Comme autres exemples, nous avons le mouvement No2X, l’UASF, et d’autres qui ont su rassembler les gens quand c’était nécessaire, mais qui n’ont pas fini par devenir une « autorité » dans l’espace, seulement une idée/idéologie.
Une liste de toute les choses à respecter :
- Ne vous appelez pas, ou ne vous comportez pas comme une fondation (shitcoin). Slush a souligné que c’était nécessaire d’un point de vu légal, génial, mais ça ne l’est pas d’un point de vu matériel à ma connaissance. Si nous voulions une fondation s’occupant de marketing et de financement, nous serions sur Ethereum.
- Ne faites pas la promotion de The B comme étant un groupe composé des plus grandes personnalités. Cela revient à percevoir la Bitcoin Foundation comme une autorité de facto.
- Ne centralisez en aucun cas les relations publiques ET le financement. La pression serait insupportable pour cette entité.
- Proposez des solutions concernant les subventions, l’éducation, la recherche, mais peut être en tant qu’entités distinctes les unes des autres.
- Ayez un conseil d’administration, mais pas « de l’ensemble de l’industrie », surtout si on ne sait pas comment ils sont choisis/élus. D’autant plus si vous n’en avez pas besoin (pourquoi avoir besoin de tous ces gens, de toute façon, si le but n’est pas la gouvernance de Bitcoin ?).
Le risque, ce n’est pas ce que The B est aujourd’hui, mais ce qu’elle pourrait devenir demain. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Je ne pense vraiment pas. Nous précipiter pour trouver des solutions pourrait revenir nous hanter pendant très longtemps, alors discutons, et trouvons une meilleurs solution.
La réponse de Giacomo Zucco
En premier lieu, je tiens à remercier Kevin pour ses critiques. C’est être dur, mais juste, et je pense que c’est un signe de très bonne santé pour l’écosystème dans son ensemble, et un rappel/retour utile pour ce cas particulier. Les préoccupations que je ne partage pas (mais que je comprend être à 100 % de bonne foi, et que j’ai pu générer avec de mauvais choix dans la communication.) :
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Représenter Bitcoin ?
Je pense que les critiques supposent un rôle à cet ouvrage qui est vraiment loin de nos intentions. En particulier, nous n’avons pas l’intention de « représenter Bitcoin » aux yeux des médias mainstream et des noobs, et nous nous engageons honnêtement à prendre toutes les mesures nécessaires pour que cela soit très clair.
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Crypto-célébrités
Je pense que les critiques surestiment le rôle des gens sur la scène au moment de l’annonce, et présupposent un critère pour leur « sélection » qui est très éloigné de nos vraies intentions. En particulier, l’intention n’était pas de rassembler « le plus grand nombre possible de célébrités Bitcoin ». L’annonce elle-même a été abordée en présence de quelques contributeurs très célèbres (présents et passés) de Bitcoin Core, qui étaient avec nous dans les coulisses de la conférence mais n’ont pas été impliqués, puisque leur rôle est différent (d’éventuels bénéficiaires des donations pour les bounties).
Les personnes qui ont été appelées sur scène ne font pas partie des « plus célèbres », mais font partie du « genre de personnes déjà intéressées personnellement par la gestion des dons pour le développement de Bitcoin ». Ils n’auront, pour la plupart, aucun engagement juridique ou rôle officiel. Certains d’entre eux recevront et (espérons-le) utiliseront des privilèges sur Github afin d’examiner/accepter/rejeter, d’une manière totalement transparente, les pull requests des donateurs et développeurs. Il ne signeront pas d’accord de non-concurrence, et pourront servir de réviseurs dans d’autres fondations/associations/projets (peut-être même parmi ceux qui seront lancés en clonant notre logiciel de donation), mais continueront de travailler seuls pour leur profit.
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L’impact sur Bitcoin
Je pense que les critiques surestiment les dommages qu’ont infligé les ambiguïtés de ce genre à Bitcoin… Même si cette tentative était condamnée à être perçue comme « officielle », et était vouée à être détournée lors d’une énième prise de contrôle hostile… Et bien… Bitcoin a tranquillement survécu aux scandales de la Bitcoin Foundation, à la mutinerie de son « directeur scientifique », à l’attaque du système bancaire à l’époque de R3 et de Mike Hearn, aux attaques subies actuellement de la part de Bitcoin.com – le site officiel – et de la part du Twitter @Bitcoin, au cartel 2X, à la main-mise de Bitmain sur le monopole de la production et du hashrate des ASIC, etc.
Les dommages causés à la réputation des personnes impliquées dans ces attaques ont été énormes, alors que l’effet général sur Bitcoin pourrait presque être considéré comme positif, en ce qui concerne la solidité du réseau. Cela ne veut pas dire que nous voulons devenir les méchants… Mais même si c’est ce qu’il se passait, Bitcoin nous détruirait, comme il se doit.
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L’utilité du marketing
Je pense que les critiques sous-estiment l’utilité d’un effort « marketing & relations publiques » plus efficace. Selon moi, ce n’est pas que Bitcoin ait besoin d’un tel effort (et je pense que je l’ai clairement indiqué pendant la présentation) particulièrement sur le long terme. Mais, à court terme, il existe énormément de ressources (financières, intellectuelles, etc) qui sont gaspillées en scams, vaporwares, charlatanisme, et c’est à cause des capacités de marketing des entités centralisées qui appuient de telles arnaques crypto.
Je ne pense pas qu’elle représentent une menace durable pour Bitcoin, à long terme. Mais elles provoquent de gros problèmes d’allocation des fonds. Se battre contre ces tentatives de marketing frauduleuses avec une tentative de marketing diamétralement opposée (tout aussi centralisée, mais, espérons-le, plus honnête) ne pourrait pas « sauver Bitcoin », mais sauverait de nombreuses personnes (donateurs comme développeurs) d’un gaspillage de temps et d’argent.
L’aspect « marketing & RP » dont nous parlons n’est pas du genre « Bitcoin est plus rapide et moins cher que Paypal », mais plutôt :
« développeurs, arrêtez de perdre votre temps à coder des dapps inutiles, et apprenez simplement à intégrer les paiements LN à votre appli / entreprise, arrêtez de gaspiller votre argent à financer des blockchains inutiles et financez un usage réaliste des open timestamps à la place // normies, arrêtez de gaspiller votre argent en investissant dans des shitcoins, et allouez juste un petit pourcentage de vos actifs sur Bitcoin, apprenez à ne pas perdre ces fonds. »
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Mauvaise com’ ?
Rétrospectivement, j’admets que bon nombre des préoccupations ci-dessus ont été générées par certains (mauvais) choix de communication précoce. Le nom, par exemple, était probablement une mauvaise idée. J’en assume pleine responsabilité. Nous avons précipité cette annonce parce qu’il était « sentimentalement » important pour nous que ça se passe à Riga (le lieu où la première discussion à ce sujet s’est tenue, il y a un an, lors d’un dîner avec Max, Adam, Elizabeth et Alex). Nous n’avons pas eu le temps de débattre/d’évaluer/d’obtenir des commentaires à ce sujet.
Puisque la structure juridique sous-jacente à cette initiative s’est avérée être une Fondation, et puisque nous voulions avoir une référence à Bitcoin dans le nom, j’ai proposé de faire une blague en rapport sur la douteuse fondation originelle, et sur Bcash, en proposant « B Foundation ».
Il est compréhensible que cela ait généré une certaine ambiguïté pensant que nos efforts se dirigeaient vers « représenter officiellement Bitcoin ». De plus, quand nous avons dû partager les noms des personnes intéressées à la participation, j’ai proposé une « ICO advisory page » sarcastique. Même genre d’erreur : j’assumais qu’il s’agissait clairement d’une « inside joke » dans le contexte d’une conférence de maximalistes, qui ne deviendrait pas virale une fois arrivée sur Internet.
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Le dilemme de la gouvernance : solidité ou efficacité ?
Je conviens que cet effort commun représente une centralisation, et donc une augmentation relative de la fragilité (et de la corruptibilité) en comparaison à nos efforts individuels de la sorte. C’est en échange d’une augmentation de l’efficacité.
Je vois la préoccupation, et je vois le compromis. Alors qu’au cours des trois dernières années, personne n’a jamais protesté lorsque je donnais du temps, de l’argent ou des ressources aux projets Bitcoin sous le label de ma propre initiative non-lucrative (BHB Network), la taille, la visibilité – et donc le potentiel de devenir une cible – de cette nouvelle initiative plus « coopératrice » sont clairement supérieurs. Nous en sommes bien conscients.
Néanmoins, nous avons décidé que, même si quelque chose comme Bitcoin a besoin de rester le plus possible du côté de la solidité (même au prix d’un peu d’efficacité), des choses comme notre gestion des donations nécessitent plutôt davantage d’efficacité (même au sacrifice d’un peu de solidité).
Voici donc les deux points de vue apparemment majoritaires dans la cryptosphère. Une Fondation, est-ce un mal nécessaire ? L’avenir nous dira si cette initiative est couronnée de succès, mais, on espère simplement que, quoi qu’il advienne, ce sera bénéfique à Bitcoin !
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Source : Reddit || Images from Shutterstock