Facebook : « La Libra pourrait ne jamais voir le jour », pourquoi c’est une non-information

Dans son dernier compte-rendu d’activité trimestriel, catégorie « Facteurs de risques », la firme au pouce bleu formule ce qui pourrait ressembler à un début de capitulation s’agissant de son projet de monnaie électronique Libra.

Ainsi, Facebook semble en convenir formellement :

« rien ne garantit que Libra, ses produits et services associés puissent être offerts en temps voulus, et ils pourraient ne jamais l’être. »

Si prise hors contexte, cette perspective morose semble jeter une ombre sur le projet de monnaie hégémonique de Facebook, cette perspective ne constitue en réalité qu’une formalité vis-à-vis de ses investisseurs et guère plus qu’une simple formule de politesse à l’adresse des régulateurs. 

Libra : un début de reculade de la part de Facebook ?

C’est un peu le frisson de ces derniers jours : diantre ! Après plus d’une année de rumeurs, ayant vu se succéder une longue phase d’un développement caractérisé par une épaisse couche de confidentialité, suivie d’une surmédiatisation écœurante à compter de la publication du Livre Blanc du Libra mi-juin, Facebook montrerait des signes de découragement et annoncerait ni plus ni moins que la possible annulation de son projet Libra !

Il est vrai qu’assailli de toutes parts par les politiques et les régulateurs centraux, cible désignée en creux d’une « task force » dédiée du G7, déclarée par anticipation persona non grata dans de nombreux endroits du monde, avant même d’avoir eu le temps d’émettre son premier coin ou présenté son premier wallet Calibra, Libra pourrait sembler bien mal parti. Il serait ainsi loisible d’imaginer que le découragement puisse atteindre quiconque, même un Mark Zuckerberg

Semblant confirmer cette intuition, une information a fait plusieurs fois le tour de la cryptosphère : dans un document de synthèse, Facebook reconnaîtrait formellement que, soumis à tant de vents contraires, le projet Libra pourrait être retardé, voire purement et simplement annulé !

L’objet du délit

Dans le détail, c’est dans le document trimestriel que Facebook est légalement contraint de remettre à la SEC (Security and Exchange Commission), qu’apparaît ce qui est présenté comme un aveu de quasi-échec :

« Libra fait l’objet d’un examen minutieux de la part des gouvernements et des organismes de réglementation de plusieurs administrations, et nous nous attendons à ce que cet examen se poursuive. En tant que commanditaire principal de l’initiative (…) la publicité négative découlant d’une telle participation pourrait nuire à notre réputation et à nos activités. Ces lois et règlements, ainsi que toute demande de renseignements ou enquête connexe, pourraient retarder, voire entraver le lancement de la monnaie. » Synthèse trimestrielle de Facebook sur ses activités, catégorie « Facteur de risques ».

Une question de perspectives

Comme souvent, prendre un peu de hauteur ne nuit pas de manière à éviter un effet tunnel, pourtant si caractéristique de notre époque où la recherche de sensations prend bien souvent l’ascendant sur la rugosité de l’information réelle.

Or, que nous dit ce document ? D’une part, le projet Libra n’occupe que quelques paragraphes d’une synthèse de près de 80 pages. Par ailleurs, si le projet de cryptomonnaie de Facebook apparaît effectivement bien dans la catégorie répertoriant les risques encourus par Facebook, cela ne semble pas, loin s’en faut, en faire une menace prioritaire pour le géant des réseaux sociaux.

Ainsi, et bien avant le danger que représentent les régulateurs sur Libra, sont évoqués pêle-mêle :

  • Une couverture médiatique défavorable (notamment, ça alors, sur le sujet des data) qui aurait une incidence négative sur les activités,
  • La toute-puissance de Mark Zuckerberg sur le groupe par sa position d’actionnaire dominant (vous ne rêvez pas, Facebook affirme les yeux dans les yeux à la SEC que son propre CEO est trop puissant, ce qui représente un facteur de risque),
  • La baisse du nombre des utilisateurs ou les limites du règne du modèle « tout publicitaire »…

Bref, on le voit, l’exercice (qui continue sur 15 pages et n’est pas loin de lister la chute d’une météorite géante ou la prise de pouvoir par les raëliens en tant que « risques potentiels »), consiste surtout à dresser un panorama exhaustif des dangers les plus divers, afin de ne pas être accusé d’aveuglement ou d’impréparation.

Et, à ce titre, ne pas placer l’équation du projet Libra et sa galaxie d’inconnues dans cette catégorie relèverait bien évidemment de la folie pure. Ainsi, Facebook en convient sans détour : les multiples incertitudes réglementaires, l’absence d’expérience antérieure dans l’industrie de la blockchain sont autant de facteurs potentiels d’échec, mais sincèrement : dire cela, n’est-ce pas ne rien dire ?

Ainsi, au-delà des gros titres de ces derniers jours sur le sujet, voir dans ces informations autre chose que le déroulement normal des choses dans un contexte capitalistique ne démontre qu’une chose : la méconnaissance crasse de la manière dont fonctionne à la fois Facebook ainsi que l’écosystème économique dans lequel il s’inscrit et grâce auquel il est parvenu à obtenir son statut actuel de méta-entreprise. 

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