Lancement de Bakkt le 23 septembre : le plus grand non-événement de l’année ?

La CEO Kelly Loeffler vient de l’annoncer : après de multiples reports, la plateforme Bakkt dispose maintenant de tous les agréments requis. Bakkt sera donc en mesure de proposer ses fameux contrats « futures » en Bitcoin à compter du 23 septembre prochain.

Sauf énième report du projet, il deviendra possible aux fonds d’investissements traditionnels de se porter acquéreur et d’investir et spéculer avec facilité sur le Bitcoin.

L’événement est présenté ces derniers jours comme incarnant le potentiel coup de sifflet du prochain bull run. Mauvaise nouvelle : hormis compromettre un peu plus encore la vision originelle de Satoshi Nakamoto, l’émergence de Bakkt pourrait n’avoir que bien peu d’impact sur le Bitcoin et sa valeur.

De reports en faux départs, Bakkt un enfantement compliqué

Vous avez difficilement pu rater la grosse actualité du week-end : la CEO Kelly Loeffler en personne annonçant le lancement de la plateforme Bakkt le 23 septembre. Si l’événement est présenté comme d’importance pour le secteur tout entier, il s’agit avant tout d’un aboutissement important pour un projet qui aura connu de nombreux reports depuis son annonce officielle début 2018.

Complexité des discussions avec les régulateurs US, chasse à la fameuse BitLicence New-yorkaise, multiples faux départs… On rappellera en effet que le lancement du service devait originellement avoir lieu en novembre 2018. Malgré tout, les choses semblaient récemment bien avancer, la société annonçant il y a quelques semaines le lancement des premiers tests de ses contrats à termes sur Bitcoin, supposés devenir les produits phares de Bakkt.

Si cette valse à 2 temps tient en haleine le secteur tout entier, c’est que le projet est d’importance : filiale du très sérieux NYSE (New York Stock Exchange), Bakkt a levé en 2018 plus de 180 millions de dollars auprès d’investisseurs prestigieux (Microsoft, Starbucks...). De premières estimations valoriseraient d’ores et déjà la plateforme à 740 millions de dollars.

A défaut de baleines, Bakkt fait ainsi partie de la catégorie prestigieuse des serpents de mer de la crypto entraperçus dès 2018. A ses côtés, on pourra évoquer le TON de Telegram, Voice de EOS et bien évidemment le projet Libra de Facebook

L’émergence de ces monstres est supposée faire passer le secteur tout entier dans une nouvelle dimension, ce d’autant que leurs arrivées respectives sont espérées à partir de fin-2019. Dans l’esprit de l’essentiel de la communauté crypto, ce phénomène se traduira nécessairement par la propulsion de Bitcoin et de l’intégralité du MarketCap vers des cieux encore jamais atteints.

Sauf que cette vision idyllique d’apprenti trader crypto a bien peu de chance de se réaliser, et on vous explique pourquoi.

5 affirmations fausses sur Bakkt (la quatrième va vous étonner)

Les investisseurs institutionnels vont pouvoir rentrer sur le marché !

Les institutionnels sont DÉJÀ sur le marché. Depuis le début 2019, la part des institutionnels sur le marché de la crypto est en constante augmentation et avoisine les 20% actuellement. Coinbase Custody annonçait par exemple la semaine dernière brasser entre 200 et 400 millions de dollars venant au nom d’institutionnels, et ce chaque semaine ! Bakkt ne représentera donc qu’un instrument supplémentaire, certes d’envergure et pleinement conforme à la réglementation, mais que les fonds d’investissements n’ont pas attendus pour se positionner sur un actif qui s’est apprécié de plus de 300% en 2019.

Fin septembre, après le lancement de Bakkt, le marché va nécessairement réagir à la hausse !

« Buy the rumor, sell the news », tout le monde est pourtant supposé connaitre l’une des plus célèbres maximes des traders du dimanche.

Autrement dit, plus encore que dans le Forex traditionnel, le vaste marché de dupe que représente l’écosystème économique crypto est propice aux mouvements irrationnels reposant sur du vent. Or, au regard des acteurs impliqués et du calendrier de l’évolution de Bakkt, aucune chance que le marché n’ait déjà anticipé – et même digéré – « l’événement » (à la limite, on pourrait plutôt y voir la raison de la croissance de ces derniers mois). Ce constat est d’autant plus net à la lumière du point suivant.

Bakkt va acheter une quantité énorme de bitcoins, les prix vont exploser !

Oui, voila. Bakkt est une société New-Yorkaise, émanation très directe de ce qui se fait de plus performant dans le domaine de la Bourse et de la finance : le NYSE et le ICE (Intercontinental Exchange). Ces professionnels reconnus se seraient donc dit que la solution la plus intelligente serait d’attendre que le marché soit congestionné par l’annonce du lancement de leur propre société, pour ENSUITE se mettre à acheter des bitcoins pour leurs clients. Solide.

On rappellera pour mémoire que Bakkt se différencie de la concurrence par le fait que la société possédera réellement les bitcoins sur lesquels ses clients pourront se positionner. Vous pouvez ainsi être certains d’une chose : quelle que soit la quantité de bitcoins dont a évalué avoir besoin l’entreprise pour satisfaire ses clients, les devises sont déjà achetées et à l’abri dans les cold wallets du fameux Bakkt Warehouse. Notez d’ailleurs que si la société a enfin pu obtenir les agréments de la SEC et de la CFTC, c’est nécessairement parce qu’elle a été en mesure de prouver à ces organismes de vérification qu’elle était bien en possession de fonds suffisants pour garantir ses activités.

Bakkt va déclencher un bull run car la demande va croître !

Alors, nonobstant ce que nous apprend le point précédent sur la demande en bitcoins, il va falloir choisir son camp. Si l’on estime que Bakkt est un acteur pesant suffisamment pour être en mesure de bouleverser le marché, il faut donc également considérer que l’entreprise a un ennemi tout désigné : la volatilité.

En effet, si ladite volatilité est intrinsèquement liée aux marchés crypto, où elle fait alternativement le bonheur (ou la dépression) des investisseurs, les clients types de Bakkt ne sont pas du tout friands de la chose. Ce que recherchent des acteurs comme Starbucks, Pantera Capital ou PayU c’est certes un rendement positif, mais également de la stabilité.

Ainsi, si vous êtes de ceux qui estiment que Bakkt sera en mesure de faire la pluie et le beau temps sur le marché, mauvaise nouvelle : l’entreprise new-yorkaise pèsera de tout son poids pour limiter les fluctuations trop importantes. Vous pourrez donc dire adieu aux augmentations à 2 chiffres le matin au réveil sur vos portfolios et à la petite bouffée d’adrénaline qui va avec (vous voyez TRÈS BIEN ce que je veux dire).

Si au contraire, vous estimez que, pour puissante qu’elle soit, les agissements de l’entreprise Bakkt seront insuffisants pour réellement influer sur l’ensemble de la capitalisation du Bitcoin, bienvenue dans un monde qui ne sera pas si différent de celui que nous connaissons.

Bakkt va accélérer l’adoption du Bitcoin !

Pour l’heure, et en dépit de la présence de Starbucks à la table des investisseurs qui avait tant fait parler à l’époque (obligeant même l’entreprise à clarifier sa position), Bakkt n’à que faire de l’essor du Bitcoin en tant que vecteur de paiement permettant de payer son café du matin.

Bien au contraire : l’ambition de Bakkt est de stocker du Bitcoin, de le geler (on ne parle pas de « stockage froid » par hasard), et de s’en servir comme d’un collatéral pour garantir ses produits financiers « Futures ». Autant de bitcoins qui, en conséquence, ne serviront jamais à la moindre transaction du quotidien. Notons également que dans l’hypothèse très vraisemblable où Bakkt se transforme en success story, l’entreprise pourrait dans un second temps être tentée d’accumuler plus de bitcoins. Parallèlement, suivant la mécanique la plus capitaliste du monde, des concurrents apparaîtront, tentant de répliquer le modèle.

La grande question est alors de se demander quels seraient les impacts d’un tel scénario sur une adoption de Bitcoin en tant que système de paiement mondialisé. Plus qu’un catalyseur d’adoption dans un premier temps, Bakkt pourrait surtout se révéler être un Midas malgré lui, accréditant la thèse du seul or numérique.

De plus, au-delà du débat sans substance sur les fluctuations de valeur et de prix, difficile de ne pas constater à quel point – avec le temps – la supposée vision de Satoshi Nakamoto se trouve toujours challengée par les régulateurs mais aussi la sphère financière classique. La spéculation est donc en marche, mais bien malin qui pourrait se targuer de lire l’avenir du Bitcoin dans les viscères crypto-congelées des loups de Wall Street.

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